Quelles sont les voies de droit pour contester l’annexion de parties communes de l’immeuble par un copropriétaire ?

A titre liminaire, il convient d’apporter quelques observations sur les termes employés dans le cadre de cette réponse.

En premier lieu, il importe de définir les notions de parties communes et d’annexion

Les PARTIES COMMUNES sont celles du bâtiment et des terrains, affectées à l’usage ou à l’utilité de tous les copropriétaires ou de certains d’entre eux.

La liste des parties communes résulte normalement du règlement de copropriété auquel il convient

Toutefois dans le silence du règlement de copropriété ou en cas de contradiction des titres, sont réputés parties communes :

  •  Le sol, les cours, les parcs et jardins, les voies d’accès,
  •  Le gros Å“uvre des bâtiments, les éléments d’équipement commun, y compris les parties de canalisations y afférentes qui traversent des locaux privatifs,
  •  Les coffres, gaines et têtes de cheminées,
  •  Les locaux des services communs,
  •  Les passages et corridors,

En outre, dans le silence ou la contradiction des titres, sont réputés, droits accessoires aux parties communes :

  •  Le droit de surélever un bâtiment affecté à l’usage commun ou comportant plusieurs locaux qui constituent des parties privatives différentes, ou d’en affouiller le sol,
  •  Le droit d’édifier les bâtiments nouveaux dans des cours, parcs ou jardins constituant des parties communes,
  •  Le droit d’affouiller de tels cours, parcs ou jardins.

L’ANNEXION de parties communes est un acte matériel d’acquisition immobilière et ce, même si cette acquisition ne modifie pas les modalités de jouissance des autres lots privatifs

En second lieu, une cession de parties communes ne peut intervenir sans décision de l’Assemblée Générale des copropriétaires :

En effet, en vertu d’une Jurisprudence constante, l’aliénation des parties communes doit recueillir préalablement :

La majorité de l’Assemblée Générale prévue à l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965, lorsque cette aliénation ne porte atteinte ni aux autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble (Cass. civ. 3e, 23 novembre 1994).

L’unanimité de l’Assemblée Générale lorsque la cession affecte la destination de l’immeuble ou  génère des inconvénients notables pour la collectivité des copropriétaires (CA Bordeaux, 9 mai 1995)

Il suit que la délibération autorisant une cession de parties communes à la double majorité de l’article 26a, est de nul effet lorsque ladite cession porte atteinte à la destination de l’immeuble (CA Riom, 2 sept. 2010).

En outre, une clause autorisant de manière anticipée un copropriétaire à s’approprier des parties communes, usuellement dénommée « clause de fonds de couloir »,  est réputée non écrite (3e Chambre civile, 11 mai 2005 ; Cass. 3e civ, 11 février 2009).

L’annexion d’une partie commune sans autorisation préalable de l’assemblée constitue donc une appropriation illicite qui peut faire l’objet d’une contestation par le syndicat et par tout copropriétaire (1).

Il convient toutefois d’être vigilant sur les délais de prescription (2).

1.Sur la recevabilité de l’action des copropriétaires

La Cour de cassation vient de mettre un terme à plusieurs hésitations jurisprudentielles sur la recevabilité à agir des copropriétaires dans le cadre des actions en restitution des parties communes.

La Cour de cassation considère désormais, au visa de l’article 15 de la Loi du 10 juillet 1965, que :

« Chaque copropriétaire a le droit d’exiger le respect du règlement de copropriété ou la cessation d’une atteinte aux parties communes par un autre copropriétaire,» (Cass. Civ. 3e 29 mars 2011).

Autrement dit, le copropriétaire peut agir en restitution de la partie commune sans être astreint à démontrer qu’il subit un préjudice personnel et distinct de celui dont souffre la collectivité des membres du syndicat.

2.Sur les prescriptions

2.1.Sur l’action visant à la démolition de l’ouvrage affectant les parties communes

Il s’agit d’une action personnelle se prescrivant par 10 ans (CA PARIS 25 janvier 2007)

En effet, dans cette hypothèse, l’action ne tend nullement à la restitution au syndicat des copropriétaires de la partie commune.

Elle tend seulement à la démolition de l’ouvrage.

Il s’agit, par conséquent, d’une action personnelle pour laquelle joue la prescription de dix ans de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965.

Autrement dit, le critère pertinent pour distinguer l’action personnelle de l’action réelle est celui de l’appropriation (Civ. 3e, 22 oct. 2008).

Ainsi, sont soumis à la prescription décennale :

L’action en suppression d’une haie plantée face à un lot, dès lors qu’elle ne délimite pas un espace fermé bénéficiant exclusivement au copropriétaire (CA Paris, 11 avr. 2012)

Les travaux d’aménagement d’une terrasse à jouissance privative (Cass 3e civ. 25 janv. 2007)

La demande tendant à la démolition des installations réalisées sur une loggia, sans autorisation de l’assemblée et au mépris du règlement de copropriété (Civ. 3e, 22 juin 2004)

La suppression d’une porte d’accès sur une partie commune, la suppression d’un portillon créé sans autorisation pour donner à un lot accès à un jardin par l’ouverture d’une clôture commune ainsi que la démolition d’une avancée de terrasse construite sur le jardin du même lot relèvent de la prescription décennale (CA Aix-en-Provence, 28 nov. 1996)

Les actions en suppression de travaux non autorisés affectant l’aspect extérieur de l’immeuble ou les parties communes (CA Paris, 9 avr. 2009)

La suppression d’ouvrages affectant l’aspect extérieur de l’immeuble, réalisés sans autorisation régulière (Civ. 3e, 12 janv. 1988)

L’action en suppression d’une enseigne lumineuse (CA Paris, 8 mars 1996)

L’action en suppression d’un tubage d’un conduit de cheminée (Civ. 3e, 21 nov. 2000)

L’action tendant à la reconstruction d’une partie commune irrégulièrement démolie, sans aucune appropriation, par un copropriétaire (Civ. 3e, 8 juil. 1998)

La demande de remise en l’état antérieur des parties communes, lorsque les installations créées ne sont pas conformes aux autorisations données par une assemblée générale (Civ. 3e, 25 mai 2005).

L’action en enlèvement d’un cadenas et d’une porte, installés en contravention avec le règlement, se prescrit par dix ans (CA Paris, 18 nov. 2004)

L’action ayant pour objet la dépose d’installations pouvant se trouver sur un terrasson, partie commune, et le retrait des meubles entreposés,

2.2.Sur l’action en restitution de parties communes appropriées par un copropriétaire

La demande tendant à la restitution aux parties communes la partie commune qu’un copropriétaire s’est indûment annexée n’est pas soumise à la prescription décennale de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965, mais se prescrit par trente ans.

En effet, dans cette hypothèse, cette action a :

« Pour objet de restituer aux parties communes ce qu’un copropriétaire s’était indûment approprié ».

Ainsi  sont soumises à la prescription trentenaire :

La réalisation par un copropriétaire de modifications dans l’utilisation de locaux existants ayant une incidence sur le COS constitue l’exercice d’un droit accessoire aux parties communes. L’action fondée sur un tel droit est dès lors une action réelle née de la réglementation de l’urbanisme (Civ. 3e, 10 janv. 2001),

L’action du syndicat ayant pour but la nullité de la composition d’un lot, la suppression au règlement de copropriété de toute mention la concernant et la publication de la décision au fichier immobilier (CA Paris, 12 nov. 1990),

L’action tendant à la démolition d’un équipement empiétant sur une partie privative (Civ. 3e, 20 nov. 2002),

L’action tendant à la démolition d’une construction réalisée sur une terrasse commune à jouissance privative (Civ. 3e, 7 oct. 1998,

L’action tendant à faire cesser une appropriation de la terrasse par un copropriétaire ne bénéficiant que d’un droit de jouissance. (Civ. 3e, 16 mars 2005),

L’action d’un copropriétaire en démolition de canalisations empiétant sur ses parties privatives (Civ. 3e, 20 nov. 2002),

L’action en démolition d’un garage édifié sans autorisation sur une partie commune (Civ. 3e, 24 sept. 2003),

L’action du propriétaire d’un emplacement de parking, dirigée contre le syndicat, et tendant à la suppression d’une porte d’un local commun EDF dont la présence interdit la libre utilisation de cet emplacement (CA Versailles, 12 sept. 2005).