Un copropriétaire doit-il produire l’autorisation de l’Assemblée Générale des copropriétaires à sa demande d’un permis de construire ?

1.   L’obligation de justifier d’un Procès-verbal d’Assemblée Générale des copropriétaires sous l’empire des anciennes dispositions de l’article R421-1-1 du Code de l’urbanisme

Sous l’empire de l’ancien Code de l’urbanisme, l’article R. 421-1-1 disposait que :

« La demande de permis de construire est présentée soit par le propriétaire du terrain ou son mandataire, soit par une personne justifiant d’un titre l’habilitant à construire sur le terrain, soit par une personne ayant qualité pour bénéficier de l’expropriation dudit terrain pour cause d’utilité publique. (…). Lorsque la construction est subordonnée à une autorisation d’occupation du domaine public, l’autorisation est jointe à la demande de permis de construire ».

Ce texte a donné naissance à la théorie du « propriétaire apparent », selon laquelle le service instructeur d’une demande d’autorisation d’urbanisme doit considérer, comme propriétaire, tout demandeur fournissant des justificatifs ayant une apparence de validité.

Toutefois, ce principe ne s’appliquait pas dans les hypothèses où les travaux projetés portaient  sur un immeuble en copropriété ou prenaient appui sur un mur mitoyen.

A cet égard, le service instructeur avait l’obligation de s’assurer  de l’existence, et le cas échéant, de la régularité de l’autorisation de l’assemblée générale, lorsque le permis de construire affectait une partie commune d’un immeuble en copropriété ou son apparence extérieure (CE 10 juillet 1987 ; CAA Nancy 29 avril 2010).

C’est au regard de ce constat et de l’objectif de sécurité juridique assigné par les auteurs de la réforme de l’urbanisme, que ces derniers ont entendu simplifier le contrôle de l’Administration sur la question du titre habilitant à construire.

2.    Sauf hypothèse de fraude, l’obligation d’attester de sa qualité dispense l’Administration de réclamer la production d’un PV d’assemblée générale des copropriétaires autorisant les travaux

Le nouvel article R 423-1 du Code de l’urbanisme dispose dorénavant que :

« Les demandes de permis de construire, d’aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d’avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : 

a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux,

b) Soit, en cas d’indivision, par un ou plusieurs co-indivisaires ou leur mandataire,

c) Soit par une personne ayant qualité pour bénéficier de l’expropriation pour cause d’utilité publique. »

Cependant, et c’est là où se situe la nouveauté,  l’article R.431-5 du Code de l’urbanisme précise que :

« La demande de permis de construire …. comporte également l’attestation du ou des demandeurs qu’ils remplissent les conditions définies à l’article R. 423-1 pour déposer une demande de permis. »

Il semblerait donc, désormais, que :

« la question relative à la propriété du terrain ou aux titres habilitant relève du droit privé et de la responsabilité du pétitionnaire, l’Administration[n’ayant] plus à vérifier l’apparence » (B. Phémolant).

Autrement dit, en pratique :

« L’autorité compétente n’a plus la possibilité de refuser l’autorisation de construire en raison d’un doute sur l’identité du propriétaire du terrain ou sur la validité de l’autorisation d’effectuer les travaux. Ces questions sont en effet régies par le droit privé et ne relèvent donc pas du service instructeur. Une demande d’autorisation dans laquelle le demandeur a indiqué son identité et, éventuellement, déclare être autorisé par le propriétaire à exécuter les travaux devra donc être instruite normalement ». (JOAN 2008)

(Cf. également, rapport de mars 2010 sur l’évaluation de la réforme de l’urbanisme « Le demandeur n’est plus tenu de justifier qu’il est habilité à saisir l’Administration, et celle-ci n’a plus à le vérifier. Une simple attestation suffit, qui résulte de la signature du formulaire de demande ».

C’est donc en toute logique que la jurisprudence a jugé, dans un premier temps, que :

« L’autorité administrative saisie d’une demande d’autorisation d’occupation du sol n’a pas à vérifier le titre donnant au pétitionnaire qualité pour la déposer ; qu’il appartient seulement au pétitionnaire, qui n’a pas à produire de documents justificatifs, d’attester lui-même avoir qualité pour présenter la demande sur l’ensemble des parcelles constituant le terrain d’assiette du projet » (CAA 15 fév. 2011  ; CAA Lyon 3 mai 2011  ; CAA Nantes, 18 fév. 2011  ; TA. Versailles, 22 février 2011).

Cette interprétation n’allait pas de soi.

En effet, il ressort du rapprochement des articles R 421-1-1 ancien et R 423-1 du Code de l’urbanisme, que ces textes sont rédigés dans des termes assez semblables, puisque l’un et l’autre énoncent les qualités et titres habilitant une personne à déposer une demande de permis de construire.

Or, le Code de l’urbanisme ne dispose pas expressément que la qualité pour déposer une demande d’autorisation d’urbanisme est exclu du contrôle du juge administratif.

En outre, l’obligation d’attester de sa qualité n’implique pas ipso facto, un dessaisissement de l’Administration sur le contrôle de cette même qualité .

D’ailleurs, certaines jurisprudences et réponses ministérielles ont rappelé que l’Administration est toujours habilitée à examiner, dans certains cas,  la régularité de la qualité de la demande.

Dans une réponse ministérielle du 6 juillet 2010, le ministre de l’écologie et du développement durable a ainsi estimé que :

« Le système déclaratif ne remet pas en cause les responsabilités qui incombent à chacun. Aussi, lorsqu’un copropriétaire demande un permis de construire, il lui appartient d’obtenir l’accord des copropriétaires au préalable. Lorsque cet accord n’a pas été recueilli, le permis obtenu grâce à une fausse déclaration est illégal. Cette pratique constitue une fraude et la jurisprudence (CE, 17 juin 1955) autorise, dans le cas où la preuve de la fraude est apportée, le retrait du permis par l’autorité compétente sans condition de délais sur demande de la copropriété. » (Réponse ministérielle publiée au JO le : 6 juil. 2010),

Ensuite, dans le cas particulier des travaux exécutés sur une dépendance du domaine public, l’Administration, et a fortiori le juge administratif, doivent apprécier la régularité du titre autorisant le pétitionnaire à effectuer de tels travaux : (CAA. Marseille, 5 mai 2011 ; CAA. Bordeaux, 28 octobre 2010).

Enfin, en vertu de la présomption légale de propriété commune pour les murs séparatifs, l’Administration doit exiger la production par le pétitionnaire soit d’un document établissant qu’il est le seul propriétaire de ce mur soit du consentement de l’autre copropriétaire  (CAA Marseille, 24 novembre 2011; TA Orléans, 15 févr. 2011).

Cependant, le Conseil d’Etat a mis fin à ces hésitations Jurisprudentielles dans un arrêt du 15 février 2012.

En l’occurrence, le Conseil d’Etat interprète strictement l’article R423-1 du Code de l’urbanisme, en estimant que quel que soit l’objet des travaux, du moment que le pétitionnaire « atteste remplir les conditions définies à l’article R423-1 du Code de l’urbanisme » l’Administration se voit déchargée de toute obligation de vérification du titre invoqué par ce dernier.

Le Conseil d’Etat réserve toutefois l’hypothèse de fraude avérée (CE 15 fév. 2012),

En conséquence, l’attestation de qualité visée par les dispositions de l’article R 431-5 du Code de l’urbanisme, consacre une théorie « renforcée » du propriétaire apparent, qui n’autorise plus l’Administration à solliciter la production d’un Procès Verbal d’Assemblée Général des copropriétaires.