Le copropriétaire d’un lot situé au rez-de-chaussée est-il redevable des charges d’ascenseur ?

La formulation de cette question écarte l’hypothèse d’un différend portant sur la révision des charges de copropriété lorsque la répartition de ces charges est lésionnaire de plus d’un quart en raison de l’application d’une mauvaise méthode de calcul des quotes-parts des parties communes afférentes à chaque lot pour les charges générales ou d’une appréciation inexacte de l’utilité d’un service collectif ou d’un élément d’équipement commun.

En effet, l’action en révision porte sur la contestation du quantum des charges réclamées par le Syndicat et non sur le respect des critères légaux de répartition.

La réponse du Cabinet AB AVOCATS, est ci-après cantonnée à l’existence d’une clause du Règlement de copropriété qualifiée d’irrégulière aux dispositions de La Loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.

En l’occurrence, le Règlement de copropriété contesté affecte à ce lot du rez-de-chaussée des charges spéciales d’élément d’équipement commun d’ascenseur alors qu’il n’a, en l’espèce, aucune utilité pour le lot concerné.

A cet égard, l’article 43 de la Loi susdite, dispose que :

« Toutes clauses contraires aux dispositions des articles 6 à 7, 41-1 à 42 et 46 et celles du règlement d’administration publique prises pour leur application sont réputées non écrites. »

Il suit qu’une clause du Règlement des copropriétaires ne saurait enfreindre le principe selon lequel les Copropriétaires sont tenus de participer aux charges générales et aux charges spéciales, l’article 10 de la Loi contraignant les Copropriétaires à participer :

  1. aux charges entraînées par les services collectifs et éléments d’équipement commun en fonction de l’utilité que ces services et éléments présentent à l’égard de chaque lot ;
  2. aux charges relatives à la conservation, à l’entretien et à l’administration des parties communes proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans leur lot, telles que ces valeurs résultent des dispositions de l’article 5.

À défaut de respecter ces dispositions d’ordre public, tout copropriétaire est admis à agir par la voie judiciaire afin de voir déclarer nulle la clause irrégulière du règlement de copropriété.

Cette action en déclaration de nullité d’une clause irrégulière à l’article 10 de la Loi de 1965 est une création purement prétorienne aboutissant à voir réputées non écrites les clauses illégales et ce, tant sur le critère de l’utilité que sur le critère de la valeur relative des parties privatives.

En l’occurrence, les Juges de cassation ont sanctionné la violation des dispositions du second alinéa de l’article 10 (Charges générales de copropriété), dans une espèce où les stipulations du Règlement de copropriété constataient une interversion des charges entre deux lots contigus et ce, en décidant que :

« La clause du règlement de copropriété attribuant au lot n° 509, la répartition des charges communes générales qui aurait dû être affectée au lot n° 508 devait être réputée non écrite [puisque cette répartition a été décidée] en méconnaissance des dispositions d’ordre public des articles 5 et 10 de la loi précitée… » (Civ. 3e, 30 avril 2002 n° 00-17332)

De même, cette appréciation doit s’appliquer à la transgression des stipulations de l’alinéa 1re du l’article 10 de la Loi de 1965 pour réputer non écrite toute clause litigieuse ayant pour effet de constater l’inutilité d’un service collectif ou d’un élément d’équipement commun.

Ainsi, est déclarée non écrite la clause qui impute des charges d’ascenseur au copropriétaire d’un lot situé au rez-de-chaussée d’un immeuble sans sous-sol.

Par ailleurs, il peut être remarqué que les clauses réputées non écrites ne concernent bien évidemment pas exclusivement les charges de copropriété, mais toutes les clauses contraires aux dispositions d’ordre public des articles 6 à 7, 41-1 à 42 et 46 de la Loi du 10 juillet 1965.

En l’occurrence, il a été demandé aux Juges de cassation de se prononcer sur une clause d’un Règlement de copropriété, stipulant que les deux scrutateurs aux Assemblées Générales des copropriétaires étaient d’office ceux qui détenaient le plus de tantièmes alors que leur mode de désignation légale passait par un vote de l’Assemblée générale au début de chaque réunion (Art. 15 du Décret n° 67-223 du 17 mars 1967).

La 3e Chambre civile de la Cour de cassation confirme l’Arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 2 juillet 2010, en jugeant que la clause du règlement est réputée non écrite (Civ. 3e, 28 avril 2011, pourvoi n° 10-20.514).

En toute hypothèse, le délai pour agir en annulation d’une clause illégale n’est enfermé dans aucun délai contrairement à l’action en révision, prescrite dans le délai de 5 ans suivant la publication du Règlement de copropriété ou dans les 2 années de la première mutation (Cf. article 12 de la Loi du 10 juillet 1965).

Et pour cause, la clause réputée non écrite est censée n’avoir jamais existé.

La Jurisprudence en tire les conséquences en faisant droit au copropriétaire de réclamer la répétition des sommes indûment versées, ce qui n’allait pas de soi depuis des Arrêts récents de la Cour de cassation.

Reste à préciser que conformément à l’article 43 in fine de la Loi de 1965, il appartient au Juge qui répute non écrite une clause relative à la répartition des charges de procéder à une nouvelle répartition desdites charges.